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Permanence des soins ambulatoires

La régulation libérale vers une issue

La tension qui a culminé en début d’année entre l’ARS et les médecins libéraux autour de l’épineux dossier de la permanence des soins ambulatoires semble s’être dégonflée. Mais pas complètement, du chemin reste à parcourir. Le motif de cette divergence qui a pris la forme d’une forte exaspération chez les praticiens tient à la reconnaissance du maintien de la régulation médicale dans le cadre de la permanence des soins, à un financement adapté et à l’indemnisation de la formation des régulateurs. L’ARS avait fait la sourde oreille à propos du rehaussement des financements de la PDSA réclamé par l’URPS, et notamment de l’augmentation de la rémunération horaire de la régulation téléphonique. Début mars, une médiation a été entreprise et a été décidée une période d’essai de deux mois pour évaluer « les marges de progression organisationnelle » et permettre une meilleure rémunération des médecins libéraux impliqués dans cette charge.

Avant de connaître la décision de l’ARS fin mai, l’URPS se fait fort de répéter que la permanence des soins ambulatoires est une partie intégrante de l’activité de la médecine générale ambulatoire, et que le débat n’est pas sur le bienfondé de la PDSA mais sur son financement : « La permanence des soins ambulatoires est un des points-clés entre la ville et l’hôpital, explique le Dr. Jean-Louis Bensoussan. Aujourd’hui les services d’urgence des hôpitaux ou des cliniques sont embolisés par des patients qui n’ont rien à y faire et qui devraient être pris en charge par la PDSA, c’est-à-dire par les généralistes d’astreinte dans leurs différents secteurs. » Ce sujet est un des points qui ont été abordés durant le colloque de l’URPS à la Grande Motte en juin, puisque la PDSA est liée à la question de l’amélioration de la relation Ville/Hôpital. « Nous n’hésiterons pas, dit le vice-président de l’Union régionale des médecins libéraux, à informer la population sur le fait qu’elle n’a rien à faire dans les services d’urgence des hôpitaux pour un enfant qui a 38° et qui se plaint d’avoir mal au ventre, ou pour un vieux monsieur qui veut consulter pour un état grippal. Ceux-ci doivent se tourner vers le médecin de garde. Le discours de certains responsables hospitaliers n’est pas très clair. Selon eux, l’hôpital est ouvert à tout le monde, qu’ils doivent accepter pour les soigner toutes les personnes qui viennent les voir. »

Le législateur avait réfléchi, il y a dix ans, à la question de l’insuffisance de l’offre de soins sur certains territoires, et à certains moments de l’année, et avait tracé des pistes qui se voulaient efficaces. Pourtant, le système de la réponse à la demande des soins non programmés est un système qui fonctionne cahin-caha sur deux pattes. Première possibilité, la médecine libérale reçoit les patients suivant le décret de la loi de juillet 2010 qui dit que la permanence doit être régulée par un médecin régulateur. La régulation médicale aboutit dans un peu plus de la moitié des cas à différer l’acte de soins et à permettre au patient d’avoir soit un avis médical avec ou sans ordonnance, soit un accès à un médecin d’astreinte (soit le patient se déplace alors au cabinet, soit le médecin va chez le patient).
Seconde possibilité : le patient se rend dans un service dit d’urgence où il est accueilli quelle que soit sa pathologie, et quel que soit le niveau de gravité : selon les urgentistes eux-mêmes, 84 % des patients qui se rendent aux urgences ont un état qui ne peut être considéré comme une urgence selon la classification ad hoc et repartent chez eux au bout de quelques heures. Cela confirme que ces services hospitaliers font de la médecine ambulatoire. Et ne parlons pas de ces patients qui veulent à tout prix des antibiotiques, ne se contentent pas du paracétamol prescrit par le médecin de garde et vont se rendre malgré tout aux urgences pour obtenir le médicament espéré !

Ce système à double entrée (une médecine libérale régulée avec un portier d’un côté, et de l’autre un accès libre aux urgences dont le nombre d’entrées a doublé en 20 ans) est devenu totalement insatisfaisant pour chacun des protagonistes et met en exergue parfaitement les points noirs de son dysfonctionnement : les patients souffrent parce qu’ils attendent des heures durant sur des brancards aux urgences pour avoir une réponse qui n’est pas adaptée. Les urgentistes souffrent parce que 80 temps plein de médecins ne sont pas pourvus en Occitanie. Il y a une quinzaine d’années, ce métier était très demandé, il ne l’est plus parce qu’il est trop dur à exercer. Les médecins généralistes souffrent parce que leur métier est peu attractif durant les astreintes : à quoi bon être bloqué tout un week-end pour percevoir un montant d’honoraires qui sera inférieur à celui d’une demi-journée de travail en semaine. Ceci conduit à une érosion du volontariat.

Le dysfonctionnement de l’organisation des gardes est accompagné d’un dysfonctionnement économique. Les médecins urgentistes font une médecine défensive, de façon à ne pas passer à côté d’une pathologie grave. Ils déclenchent alors une batterie d’examens complémentaires (bilan sanguin, radio, scanner) qui n’ont pas forcément lieu d’être. Tout cela coûte de l’argent ; alors que dans le même temps, l’ARS resserre nos crédits. Nous avons une perte de 11 % entre 2011 et 2016. Nous sommes dans un cercle vicieux. Moins il y a de médecins effecteurs, moins ils font d’acte, et on finit par dire que ces médecins ne servent à rien. En réalité, la volonté politique de l’ARS est de faire disparaître les astreintes des médecins qui exercent en nuit profonde (de minuit à 8h du matin) en dehors des métropoles, dans la mesure où l’agence estime qu’il y a très peu d’appels et très peu d’actes. Mais est-ce ce service aux patients que nous souhaitons offrir demain ?

Jean-Marc Castadère

(*) La FARMIP contribue à la mise à disposition des associations départementales de régulation libérale, en période de permanence des soins ambulatoires, d’un système téléphonique régional comprenant un système d’enregistrement

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