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« Nous allons structurer davantage nos échanges avec l’URPS et nourrir un dialogue stratégique régulier »

Pierre Ricordeau, nouveau directeur général de l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Occitanie qui remplace à ce poste Monique Cavalier, semble vouloir changer les choses. Et ce, rapidement. Il dit entendre la demande de l’URPS-ML qui consiste à organiser leurs échanges et à se parler régulièrement. Premier exercice de style en janvier prochain avec les CPTS.

MÉDECIN D’OCCITANIE. Les médecins libéraux estiment ne pas être souvent entendus par l’ARS et ne pas être associés suffisamment aux réunions de concertation organisées par l’Agence régionale pour différents sujets de santé, comment envisagez-vous d’améliorer les relations entre l’ARS et l’URPS-ML ?

PIERRE RICORDEAU. À mon arrivée en Occitanie, j’ai constaté les bonnes relations qui nous lient à chacune des URPS de la région. Les URPS ont été associées à chacune des étapes de construction de notre politique régionale, soit directement, soit au travers des instances de démocratie sanitaire, au niveau régional comme dans chacun des 13 départements. Nos équipes veillent à privilégier des échanges formels ou informels avec chacune des URPS sur les questions qui touchent de près leur exercice professionnel, avant de prendre des décisions sur des projets ou sur des aspects réglementaires. Mais, j’entends la demande qui consiste à structurer davantage ces échanges et à nourrir davantage un dialogue stratégique régulier. J’y suis prêt d’autant plus que nos relations vont être appelées à s’intensifier à l’avenir en particulier pour mettre en œuvre ensemble les axes du plan « Ma santé 2022 ».

Les enjeux d’accessibilité aux soins associés à ceux des conditions d’exercice des professionnels de santé libéraux imposent d’ores et déjà que les solutions soient d’abord et avant tout construites et portées par les professionnels de santé eux-mêmes sur chaque territoire. La responsabilité collective de faire vivre le système de santé libéral que nous connaissons aujourd’hui est questionné par les difficultés croissantes qu’expriment nos concitoyens dans l’accès aux soins. Ainsi, les moyens que pourra mobiliser la collectivité pour affiner les diagnostics, déployer les outils techniques et réglementaires ne pourront être utiles qu’à la condition que tous les acteurs du territoire s’en emparent pour les mettre en œuvre en fonction de leur contexte local.

Sachant que la liste du zonage est figée depuis novembre pour les 18 mois à venir, pensez-vous, malgré tout, pouvoir répondre à la sollicitation d’élus de l’URPS en modifiant quelque peu la destination de certaines zones extrêmement fragiles ?

PIERRE RICORDEAU. Le zonage est fixé dans les textes pour 3 ans. Nous avons entendu la demande forte des professionnels de pouvoir s’adapter plus rapidement aux évolutions du contexte local, dans un sens ou dans un autre. C’est pour y répondre que nous avons fixé à l’échéance de 18 mois la prochaine étape d’évaluation et d’ajustement éventuel de ce zonage. Les dispositifs incitatifs mis en place s’inscrivent dans des projets professionnels et personnels d’installation dans des zones sous denses, qui ne se concrétisent pas en quelques semaines ! Il faut donc laisser le temps aux aides mobilisables d’être connues et utilisées, avant d’évaluer leur efficacité et envisager de modifier le zonage. Nous avons largement communiqué sur les aides disponibles et nous avons un projet en cours avec l’URPS à ce sujet. Mais, j’insiste, ces aides sont très nombreuses aujourd’hui. Leur utilisation ne dépend pas uniquement du classement de tel ou tel territoire en zone déficitaire. L’appui que nous apportons à l’amélioration des conditions d’exercice, l’incitation à l’exercice regroupé, le développement de la télémédecine ou le déploiement des stages d’internat s’effectue sur tous les territoires, sans condition d’inscription dans le zonage. Par ailleurs, des aides fiscales complètent largement tous ces dispositifs, notamment pour les territoires classés en zone de revitalisation rurale. Le guichet unique qui s’est mis en place en lien avec l’assurance maladie doit monter en puissance afin de répondre aux attentes des professionnels…

Comment pensez-vous participer aux projets innovants que lance l’URPS ?

PIERRE RICORDEAU. Pour relever les défis d’aujourd’hui, nous devons penser « différent » et prendre appui sur des outils qui ont fait leur preuve mais sont encore insuffisamment utilisés. En reproduisant les mêmes modes de pensées, actions et modes de travail, on continue à exclure des solutions proposées et on accentue des inégalités face à la santé. Or, je suis frappé par la capacité d’innovation des acteurs. Les nouvelles technologies ouvrent par ailleurs des portes qui étaient auparavant fermées, en particulier sur la coordination, qui est au cœur de nos enjeux. C’est pourquoi l’ARS sera aux côtés de l’URPS comme de tous les acteurs de santé pour trouver des solutions à nos problématiques de santé.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a introduit, en son article 51, un dispositif qui permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. C’est une véritable opportunité pour tester de nouvelles approches puisque ce dispositif permet de déroger à de nombreuses règles de financement de droit commun. L’ARS appuiera les acteurs engagés dans ces expérimentations, pour affiner leur dossier et les aider à les porter dans le cadre de l’instruction prévue au niveau national.

Comment concevez-vous les relations entre les grands établissements de santé et l’ARS d’Occitanie ? Et comment pensez-vous participer à la modification des relations entre la ville et l’hôpital ?

PIERRE RICORDEAU. La région Occitanie bénéficie d’importants atouts en ce qui concerne son offre de soins hospitalière. Elle compte aussi une densité de professionnels de santé libéraux qui se situe au-dessus de la moyenne nationale. Ces indicateurs régionaux ne doivent pas masquer les fortes disparités qui sont celles de nos réalités territoriales. Le point commun, partout dans la région, est celui des coopérations et du travail en équipe pour mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. C’est la feuille de route nationale fixée dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Les coopérations se développent dans le cadre des Groupements hospitaliers de territoire et dans les complémentarités entre services hospitaliers publics et privés. Nous soutenons activement l’émergence de projets médicaux partagés à l’échelle de chaque territoire. L’explosion des maladies chroniques se superpose à l’allongement de la durée de la vie et oblige à de nouvelles réponses… et dans le même temps l’évolution des performances médicales conduit à des séjours hospitaliers de plus en plus courts.  Dans ce système de santé en profonde mutation, il faut travailler sur les parcours de soins. Les coopérations entre équipes soignantes hospitalières et libérales prennent alors une place de plus en plus cruciale. Nous devons avec l’URPS accompagner ensemble cette évolution des pratiques, pour répondre à l’évolution des besoins. Je sais que l’URPS a pris des initiatives en ce sens en lien avec la FHF et cela m’intéresse beaucoup.

En arrivant à votre nouveau poste, vous avez effectué des premiers déplacements à la rencontre des partenaires de l’ARS sur le terrain. Vous avez l’intention de prolonger ces rencontres dans chaque département au cours des toutes prochaines semaines, à qui allez-vous vous adresser et sur quoi allez-vous mettre l’accent à travers vos messages ?

PIERRE RICORDEAU. Pour mettre en œuvre les orientations nationales et régionales, j’ai la certitude que les solutions s’imaginent dans chaque territoire par et avec les acteurs locaux. Elles ne seront pas les mêmes ici et là, mais elles permettront d’atteindre des objectifs et de remplir des missions qui sont partagés sur tous les territoires. C’est pourquoi depuis ma prise de fonction, je parcours la région Occitanie à la rencontre des acteurs de chaque territoire. Dans une région marquée par de forts contrastes d’un territoire à l’autre, je souhaite que nous fassions confiance à ces acteurs locaux, pour que notre politique régionale de santé s’adapte aux besoins de nos concitoyens dans chaque territoire de vie. C’est dans les territoires que les solutions se construiront.

Parmi les projets innovants auxquels participe l’URPS-ML, on compte celui des CPTS rejoignant les préoccupations du Chef de l’État qui a appelé le 18 septembre dernier au déploiement de 1 000 CPTS sur tout le territoire d’ici à 2022. Comment l’ARS peut-elle aider précisément les médecins libéraux à lancer une centaine de CPTS en trois ans, tant dans la rédaction des dossiers d’agrément que dans l’allocation de subventions ?

PIERRE RICORDEAU. En présentant les engagements du plan « Ma santé 2022 », pour transformer notre système de santé, le Président de la République a beaucoup insisté sur la fin de l’exercice isolé des professionnels de santé. L’avenir est au travail en équipe, à l’échelle d’un territoire de proximité. Il ne s’agit plus seulement d’organiser la prise en charge de « ses » propres patients mais plutôt de mieux répondre aux besoins d’une population, en renforçant la collaboration entre professionnels de santé libéraux, mais aussi en développant leur articulation avec l’hôpital et les établissements médico-sociaux.

C’est un grand projet. Je sais que les URPS sont prêtes à y travailler activement. Je leur propose, en lien avec l’assurance maladie, d’y travailler ensemble dès le début de l’année.  L’émergence de ces communautés professionnelles territoriales de santé doit avant tout correspondre à des initiatives des professionnels eux-mêmes pour organiser la prise en charge des patients dans chaque territoire. L’ARS, avec l’assurance maladie, sera là pour apporter tout son appui, par exemple pour approfondir en proposant des éléments de diagnostic local. L’ARS validera aussi les projets de santé afin que des aides financières à la coordination puissent être délivrées. Ce projet est l’occasion de mettre en place une autre forme de collaboration entre l’ARS et les URPS. Nous aurons l’occasion de rediscuter très rapidement sur ce point avec les URPS et je m’en réjouis.

Pierre Ricordeau, directeur général de l’ARS Occitanie

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