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Il faut éviter les embûches de l’installation, disent les jeunes médecins !

Le Pr Stéphane Oustric, président du Conseil de l’ordre des médecins de Haute-Garonne, commentant une grande enquête sur les 1400 médecins généralistes de son département, estimait cet automne que la démographie médicale allait encore être tendue pendant sept ans.

« Il faut donc, disait-il, faire en sorte que les jeunes s’installent beaucoup plus vite, les structures de regroupement doivent le permettre. Aujourd’hui, pour les médecins, il est très pénible de refuser des patients ». Pour consolider l’avenir du soin en Occitanie, tout l’enjeu est là : réussir de nombreuses installations de médecins libéraux qui quittent, frais émoulus, la faculté, et le faire faire dans les meilleures conditions. Deux médecins, la trentaine conquérante, témoignent dans ces colonnes. Enthousiastes, ils ont intégré la cohorte des jeunes installés. Derrière les mots de satisfaction d’exercer leur nouveau métier, se cachent quelques aigreurs nourries par les embûches au moment de cette fameuse installation.

Dr LAETITIA GIMENEZ

Un parcours atypique

Son entregent, sa curiosité, son militantisme associatif et syndical, sa volonté de rompre avec les voies toutes tracées, et rejoignant en cela la nouvelle génération de médecins généralistes qui ne veut plus travailler comme naguère, ont fait que le Dr Laëtitia Gimenez s’est installée, sans perdre une seconde, dans un cabinet médical une fois son cursus universitaire bouclé. Cette jeune femme de 32 ans est parisienne d’origine, et c’est à Paris qu’elle fait la quasi intégralité de ses études de médecine. Pour des raisons de rapprochement personnel, elle s’installe à Toulouse en 2015. « Je n’avais initialement aucune attache familiale avec la région, dit-elle. En revanche à Paris, j’avais noué des contacts avec quelques figures phares de la médecine générale toulousaine au travers des organisations syndicales auxquelles je participais en tant que représentante des internes de médecine générale. » Elle rencontre effectivement le Professeur Stéphane Oustric qui deviendra son associé actuel. « Comme j’avais la volonté de m’impliquer dans l’enseignement et la recherche en médecine générale, qui sont également des pans de l’activité de Stéphane Oustric, nos centres d’intérêt se sont rejoints. »

Toulouse accueille sans difficulté cette future médecin au parcours qu’elle qualifie « d’atypique ». Elle ne se voyait pas exercer la médecine à Paris « bien que j’aime beaucoup cette ville. Le mode d’exercice médical à Paris n’est pas le même que l’on peut avoir à Toulouse, parce qu’il y a un fort turn-over de la patientèle. Et puis, j’avais envie aussi d’une autre qualité de vie. » Elle revoit le Pr Stéphane Oustric, et c’est dans son cabinet qu’elle entreprend son dernier semestre d’internat : « Alors que j’étais encore interne, il m’a parlé rapidement d’un projet de maison de santé pluriprofessionnelle en m’invitant à m’y associer ».

Elle rencontre le docteur Michel Combier, médecin généraliste, secrétaire général de l’URPS-ML d’Occitanie qu’elle remplace à l’été 2016. Et c’est avec ses deux aînés qu’elle participe à la création de la MSP universitaire de La Providence à Toulouse, en juillet 2017. Une maison qui compte aujourd’hui 9 généralistes, 3 spécialistes,10 infirmières et un centre d’activité physique adaptée avec un médecin du sport et des coachs d’activité physique adaptée. « Nous nous sommes également organisés en CPTS avec d’autres professionnels de santé qui sont installés dans le quartier.»

Cette organisation qui tourne fort bien convient parfaitement au Dr Laëtitia Gimenez, et ce d’autant qu’elle partage son temps avec un poste de chef de clinique des universités (enseignante-chercheuse) à la Faculté de médecine de Toulouse. On serait tenté de lui dire qu’elle a été gâtée par la vie en s’installant rapidement là où elle voulait être, en faisant ce qu’elle voulait faire. Mais elle ne l’entend pas ainsi : « C’est vrai, explique-t-elle, je suis un exemple vivant de ce qui peut bien se passer. Pour moi, cela n’a pas été le parcours du combattant. J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. Les circonstances, le réseau ont fait beaucoup pour cette installation. Mais comme tous mes jeunes confrères, j’ai dû affronter les tracas administratifs. Les formalités avec la Sécurité sociale, la CARMF, l’URSSAF, l’Ordre des médecins, sont contraignantes. Néanmoins, comme j’avais milité dans des mouvements syndicaux, j’étais au fait de ce qu’il fallait faire ; et les organismes dédiés fonctionnent plutôt bien dans notre région, ce qui n’est pas le cas partout ! »

Même si elle estime que l’accompagnement des jeunes médecins qui veulent s’installer s’est beaucoup amélioré, cela reste un point noir dans ce processus : « Au travers de différentes enquêtes sur les problématiques d’installation, on a soulevé de nombreuses fois les difficultés, on a alerté, pourtant l’accompagnement est toujours insuffisant. Nous percevons parfaitement la volonté des pouvoirs publics de jouer le jeu avec les médecins, de les voir s’installer sans avoir à subir quelques mesures coercitives, pourtant… »

Le Dr Laëtitia Gimenez souhaiterait que soit instaurée une journée unique et que soit créé un guichet unique pour le jeune médecin qui s’installe, où il peut rencontrer les représentants de toutes les institutions afin d’assurer un lien entre elles, et que tout soit dématérialisé sur un même site, finir par récupérer un même dossier et l’envoyer in fine à toutes les instances.

Il existe bien des sites qui se veulent uniques, « mais l’information est peu lisible, peu claire. On accède à des multi-informations sur des multi-sites, d’où l’importance d’un accompagnement de qualité. » À cet effet, la jeune médecin co-organise en fin d’internat à la Faculté de Toulouse, un séminaire de deux jours sur la fin du cursus, le remplacement, l’installation et toutes les démarches à entreprendre. « Nous faisons cela au sein d’ateliers de petits groupes, en faisant l’étude de cas concrets (statuts, lieux, types de collaboration, etc. »  Les étudiants sont ravis, dit le Dr Laëtitia Gimenez, « on leur explique enfin comment ça fonctionne ».

Dr FLORIAN SAVIGNAC

Cet enfer est derrière lui

Le Dr Florian Savignac est du Tarn-et-Garonne, et il le reste ! Né à Nohic, un petit village entre Montauban et Toulouse, au pied duquel coule le Tarn, il partage pourtant son temps entre son cabinet de Montech situé à 20 km de Nohic et son appartement à Toulouse qu’il partage avec une interne en médecine générale prénommée Juliette. Ayant fini à 28 ans ses études de médecine à Toulouse en octobre 2017 après avoir fait des stages d’internat à la MSP de Montech puis du remplacement, il devient collaborateur, puis associé. « Tout s’est fait très simplement ! dit-il. Je connaissais Montech pour y avoir joué jeune au rugby. Et ce mode d’exercice médical me plaisait. Je suis à cheval entre deux départements. J’ai 40 minutes de transport entre Toulouse et Montech, matin et soir. Parfois, je prends le train. J’aime vivre en ville, je n’exclus pas de vivre à la campagne. Pour le moment ce n’est pas ce dont j’ai envie.»

Aller ailleurs et faire différemment n’était pas ce qu’il souhaitait : « Je voulais exercer dans la région, une région que j’aime beaucoup. Et en termes d’exercice, je savais que je voulais être dans une maison de santé, en exercice regroupé, pas trop loin des hôpitaux en ayant un exercice rural. » Sa patientèle est très diversifiée : des employés d’Airbus aux agriculteurs des alentours de Montech en passant par les petits commerçants de la commune. « J’ai voulu être dans une maison de santé pour ne pas être seul dans un cabinet. La pratique quotidienne des médecins de la MSP nous conduit à échanger entre nous sur des patients. Nous faisons régulièrement une réunion de concertation entre les professionnels paramédicaux et les médecins pour les cas complexes. Et une à deux fois par mois, je fais des ateliers diététiques et de l’éducation thérapeutique avec une infirmière Asalée. Je suis également en train de monter un programme d’éducation thérapeutique sur l’obésité de l’adulte.»

Très satisfait de son mode de vie et de son activité professionnelle, Florian Savignac est conscient qu’il bénéficie des effets des nouvelles pratiques de la médecine : « Cela me paraît naturel. Dès notre formation initiale, c’est ce qu’on nous a enseigné et nous vivons avec cet enseignement. Je travaille avec des collègues plus âgés, dont l’un a soixante-cinq ans. Sa pratique d’il y a trente ans et celle d’aujourd’hui n’ont rien à voir, c’est le jour et la nuit! C’est d’ailleurs impressionnant ! Et même des collègues de 40-45 ans me disent que sur les 10 dernières années, ils ont pu mesurer cette révolution dans la pratique. »

Il travaille quatre jours par semaine au cabinet et a d’autres occupations : « Je fais de la formation médicale continue ; je participe à des modules d’enseignement à la faculté. C’est une nouvelle pratique. Les médecins qui m’ont précédé travaillaient du lundi au samedi et ils étaient de garde une nuit sur deux. » Et à l’époque, la concurrence entre les praticiens était forte. « Aujourd’hui, la pratique est différente, il nous est facile de parler entre nous et d’avoir de meilleurs échanges. »

Le docteur Florian Savignac se considère comme l’un des représentants de la nouvelle génération de ces nouvelles pratiques de la médecine. « Dès lors, l’installation s’est plutôt très bien déroulée. » Quand il était remplaçant, des confrères l’appelaient assez souvent pour lui proposer de s’installer avec eux : « J’ai été très sollicité, à droite, à gauche. Ce genre d’appel, j’en recevais une fois tous les dix jours, cela a duré un an. J’aurai pu poser mes valises où je voulais. Je suis resté droit dans mes bottes en restant fidèle à mes souhaits d’origine, à ce que je voulais au début de mes études, notamment la pratique regroupée, et si possible en maison de santé.»

Néanmoins, le jeune médecin garde un mauvais souvenir du démarrage : « Dans une installation, il y a deux étapes. La bonne et la moins bonne.  La première étape est de trouver l’endroit où on veut être et savoir que là, on pourra faire évoluer sa pratique dans le sens qu’on idéalise. La mauvaise étape consiste à exécuter les démarches administratives pour s’installer. La première est aisée. La deuxième est pénible. Il y a trop de couacs ».

Des couacs qui peuvent décourager. « Les tâches administratives m’ont paru extrêmement compliquées. À mon sens cela tient à une mauvaise organisation et à la mauvaise coordination entre les multiples organismes auxquels les médecins doivent s’adresser. Un guichet unique afin d’éviter 36 interlocuteurs simplifierait la vie. Mais cet enfer est derrière moi. »

Luc Jacob-Duvernet

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