Le décret n° 2022-375 du 16 mars 2022 fixant les modalités de fonctionnement des communautés professionnelles territoriales de santé vient préciser la possibilité introduite par l’ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé[1] de rémunérer ou indemniser les membres des CPTS dont le projet de santé a été validé. Il s’agit là d’une possibilité ouverte aux CPTS, et non d’une obligation. Le décret détermine ensuite un plafond.
Encadrement des modalités de fixation et de versement :
Le décret précise les deux points suivants :
- « [l]es indemnités sont déterminées de manière à compenser la perte de revenus subie par les membres en raison des fonctions qu’ils exercent au sein de la communauté professionnelle territoriale de santé ».
Dit autrement, deux paramètres doivent guider la fixation de l’indemnisation :
- les professionnels sont indemnisés en fonction du temps qu’ils consacrent à la CPTS,
- le montant de l’indemnisation variera en fonction de leur activité professionnelle.
Cette disposition pourrait donc par exemple s’opposer à la fixation d’une indemnité forfaitaire décorrélée du temps passé, ainsi qu’à la fixation d’une indemnité horaire identique pour l’ensemble des professionnels.
Reste à savoir si l’application d’un barème théorique, tel que les barèmes d’indemnisation des URPS, suffit, ou si une indemnisation individualisée doit être envisagée.
Une interprétation stricte conditionnerait donc le versement de l’indemnité à l’occupation de fonctions au sein de la CPTS privant le professionnel d’un revenu. Seront donc indemnisés avec certitude les professionnels disposant d’un mandat (les membres dirigeants de la CPTS) pour les instances de gouvernance réunies sur leur horaires habituels d’activité.
- Le décret précise ensuite que « [l]es rémunérations correspondent à la contrepartie de la participation des membres à la réalisation des missions de service public » de la CPTS.
L’ordonnance du 12 mai dernier a reconnu les missions des CPTS comme étant des missions de service public pouvant être compensées par des aides financières. Ainsi, ouvrent droit à une indemnité la participation à la mise en œuvre d’une ou plusieurs des missions de service public suivantes :
- L’amélioration de l’accès aux soins ;
- L’organisation de parcours de soins associant plusieurs professionnels de santé ;
- Le développement d’actions territoriales de prévention ;
- Le développement de la qualité et de la pertinence des soins ;
- L’accompagnement des professionnels de santé sur leur territoire ;
- La participation à la réponse aux crises sanitaires.
Pour être légale au regard du droit des aides d’Etat, cette compensation financière est allouée à la CPTS qui a contractualisé avec l’assurance maladie ou l’Etat. La signature du contrat « ACI » pourrait donner mandat d’exécution des obligations de service public à la CPTS (en attente de publication des textes). Ensuite, les paramètres de calcul de la compensation doivent être établis préalablement et connus des acteurs. Enfin, la subvention ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation de la mission de service public.
Aussi, des bonnes pratiques peuvent être conseillées à la CPTS :
- Mettre en œuvre les missions après la signature de l’ACI, sauf démarrage anticipé formalisé par un contrat,
- Mettre en place des ordres de mission clairs et conformes aux actions prévues dans le projet de santé et les ACI,
- Si la rémunération semble donc décorrélée de la perte de revenus des professionnels, il ne doit pas y avoir de surcompensation de l’investissement du professionnel. La prudence est donc de mise pour la fixation du montant de la rémunération. L’assise sur un barème (ex : URPS) pourrait donc permettre d’éviter ce risque.
La fixation d’un Plafond applicable à chaque professionnel qui sécurise le dispositif
Enfin, le décret précise « pour chaque professionnel, membre de la communauté ou exerçant dans une structure adhérente à la communauté, la somme totale des indemnités ou rémunérations perçues en application du présent article durant une année civile ne peut excéder la valeur annuelle du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
Ce plafond est fixé pour l’année 2022 à 41 136€ en valeur annuelle brute, soit une valeur mensuelle de 3 428€.
A noter que la rémunération semble être ouverte également aux professionnels qui ne sont pas directement membres de l’association mais qui exercent dans une structure adhérente. Aussi, la rémunération de la CPTS pourrait être ouverte aux professionnels de santé libéraux mais également aux professionnels salariés.
Si l’indemnisation des professionnels de santé ne fait pas débat, il semble que la CPTS dispose de la liberté de rémunérer au-delà des professions de santé reconnues (ex : psychologues, assistants sociaux, ostéopathes…).
Quoiqu’il en soit, il est fortement recommandé à la CPTS de mettre en place une traçabilité permettant de justifier du temps passé par les professionnels et des actions menées. Les montants des indemnisations et des rémunérations ne doivent pas être disproportionnés et être conformes au plafond prévu pour ne pas exposer les professionnels et la CPTS au risque de devoir rembourser les sommes perçues.
[1] L’ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé tout en imposant à la CPTS la forme juridique d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 (hors Alsace-Moselle), avait déjà permis de lever les craintes concernant la répartition des financements au profit de ses membres. En effet, seule une association dirigée et gérée par des membres bénévoles est en principe reconnue comme un organisme à but non lucratif. Si des aménagements existent, ils ne permettaient pas d’assurer sans risque une répartition entre les membres de la CPTS des financements reçus de l’assurance maladie au regard des montants alloués.