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Le temps d’écran a un effet modeste sur le développement de l’enfant

Le langage expressif à 2 ans, le raisonnement non verbal à 3,5 ans, et le développement général à 3,5 ans et à 5,5 ans ont servi à évaluer les effets de la pratique des écrans sur le développement cognitif à chaque étape.

Les enfants qui passent beaucoup de temps devant les écrans à un âge jeune ont un risque augmenté de retard dans les apprentissages. Ce lieu commun est fortement à nuancer, selon des travaux menés à partir des données de la cohorte française Elfe. L’impact du temps d’écran sur le développement de l’enfant est en fait relativement modeste. Surtout, il se conjugue à d’autres facteurs de risque, tels que les critères socio-familiaux, parfois prépondérants.

Menée par le chercheur Jonathan Bernard, une équipe du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm/INRAE/Université Paris Cité/Université Sorbonne Paris Nord) a travaillé sur les données de près de 14 000 enfants, collectées entre les âges de 2 et 5,5 ans. Le langage expressif à 2 ans, le raisonnement non verbal à 3,5 ans, et le développement général à 3,5 ans et à 5,5 ans ont servi à évaluer les effets de la pratique des écrans sur le développement cognitif à chaque étape.

La consommation moyenne d’écran tirées de cette cohorte est de 56 minutes par jour à deux ans, 1 h 20 à l’âge de trois ans et demi, et 1 h 34 à cinq ans et demi, avec des taux d’enfants passant plus d’une heure quotidienne devant les écrans de respectivement 42 %, 46,8 % et 57 %.

« Si l’on regarde les associations brutes, non pondérées par les autres facteurs de risque présumés, nous confirmons une relation négative entre le temps d’exposition et le développement cognitif des enfants, explique Jonathan Bernard. En revanche, cette relation est beaucoup plus faible si l’on prend en compte le contexte familial. » L’originalité de cette enquête tient à la prise en compte des activités concurrentes des écrans comme la lecture d’histoires.

Les scientifiques ont ainsi questionné le niveau d’études des parents et les pratiques familiales : la télévision est-elle allumée durant les repas (c’était le cas dans 41 % des familles interrogées) ? Quelles sont les activités pratiquées avec l’enfant ? Qu’en est-il du temps passé devant les écrans pendant la grossesse ? De la saison de naissance ? Du mode de garde ? Du temps de sommeil ?

En prenant en compte ces différents facteurs, l’association entre temps d’écran et le développement de l’enfant était affaiblie de 40 à 80 % selon les âges. En considérant également la pratique ou non d’activités concurrentes aux écrans, les chercheurs ont constaté une diminution supplémentaire de 10 à 20 %, pour finalement aboutir à un effet causal résiduel modeste. 

Au-delà du temps passé devant les écrans, les familles qui regardent la télévision ont des enfants avec un retard du développement statistiquement significatif, bien que léger. « Cela pourrait s’expliquer par le fait que la télévision, en captant l’attention des membres de la famille, interfère avec la qualité et la quantité des interactions entre les parents et l’enfant. Or, celle-ci est cruciale à cet âge pour l’acquisition du langage ». De plus, la télévision ajoute un fond sonore qui, lorsqu’il se superpose aux discussions familiales, va rendre difficile le déchiffrage des sons pour l’enfant et limiter la compréhension et l’expression verbale

Du point de vue individuel, il y a peu de chance qu’agir sur la pratique des écrans au sein des familles fasse une grande différence. D’un point de vue populationnel en revanche, dans une génération de 750 000 enfants, si les 41 % de familles qui gardent la télévision allumée pendant les repas arrêtaient de le faire, on estime que 8 000 enfants franchiraient le seuil de 85 points d’équivalent QI. « On pourrait donc imaginer des messages de santé publique qui recommandent d’éteindre les écrans au cours des repas, mais c’est tout un ensemble de comportements sur lesquels il faudrait communiquer, comme éteindre la télévision quand personne ne la regarde », expliquent les épidémiologistes. 

(source : Damien Coulomb – Le Quotidien de Paris)

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